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GENOCIDE DES TUTSI: lettre ouverte aux éditeurs de "Que sais-je?" - Libération, 21 settembre 2021




GENOCIDE DES TUTSI LA BOUSSOLE QUI REFUSE DE MONTRER LE NORD 17 septembre 2021 La première édition du Que sais-je ? de Filip Reyntjens sur le génocide des Tutsi de 1994 au Rwanda avait, lors de sa parution, suscité l’indignation d’une liste impressionnante d’historiens et d’experts du sujet, exprimée dans une lettre ouverte publiée dans Le Monde du 25 septembre 20171. Le 18 août dernier paraissait la deuxième édition de cet ouvrage, ne comprenant que des mises à jour mineures et des modifications superficielles. À l’évidence, les critiques soulevées lors de la première édition n’ont guère retenu l’attention de son éditeur, lequel n’a exigé aucun remaniement de fond du manuscrit. Nous ne pouvons que nous étonner qu’un éditeur, visant à mettre le savoir à la portée de tous, ait pu ignorer les alertes d’historiens reconnus et participe à la diffusion, une deuxième fois, de thèses niant des éléments fondamentaux du génocide des Tutsi. Ce faisant, le groupe d’édition Humensis a non seulement contribué à la vulgarisation de thèses historiquement obsolètes, mais apporte également du crédit à un auteur défendant des thèses révisionnistes sur le dernier génocide du vingtième siècle. Cette nouvelle édition ne répond aucunement aux abondantes critiques formulées en 2017. Filip Reyntjens, qui aime rappeler que l’histoire a besoin d’être constamment révisée par le débat, n’applique vraisemblablement pas ce principe à son propre travail et a choisi d’ignorer les remarques n’allant pas dans son sens. De nouveau, il persiste à inverser l’ordre des responsabilités du génocide et à soutenir, contre toute logique historique et intellectuelle, l’absence de planification du génocide. Négation de la planification préalable du génocide Reprenant l’un des arguments fétiches des auteurs du génocide, Filip Reyntjens nie la planification préalable du génocide commis contre les Tutsi, en soutenant qu’il fut le résultat d’un processus non prémédité, déclenché par l’assassinat du président Habyarimana et facilité par la peur du Tutsi existant au sein de la population. Cette négation de la planification du génocide par Filip Reyntjens, étayée de manière douteuse sur la base de sources limitées et sélectives, est d’autant plus étonnante que ce même Filip Reyntjens déclarait en 1995, sous serment devant la justice belge : « Cependant je sais d’après de nombreux témoignages fiables qu’un projet génocidaire et de massacres politiques existait depuis longtemps et dont on voit les premiers signes déjà à la fin de l’année 19912». Brûlot politique Engagé dans une guerre médiatique contre le Front Patriotique Rwandais3 (FPR) depuis 19904 au détriment de l’objectivité de ses travaux, Filip Reyntjens reprend les 1 https://www.lemonde.fr/idees/article/2017/09/25/rwanda-le-que-sais-je-qui-fait-basculer-l-histoire_5190733_3232.html 2 http://www.francegenocidetutsi.org/doc56872.pdf 3 Front Patriotique Rwandais (FPR), Mouvement politique et militaire créé en 1987 par des réfugiés rwandais et s'étant fixé comme objectif le retour des réfugiés et la suppression des discriminations ethniques et régionales établies par les deux premières républiques. 4 Filip Reyntjens, Les risques du métier, L’Harmattan, 2009, Paris. p.25. « Dans le cadre des débats évoqués plus haut, je suis associé à une initiative du régime, qui tente de reprendre le dessus dans la guerre médiatique qu'il est en train de perdre face au FPR (cf. supra). Début novembre, je suis contacté par Fabien Singaye, diplomate en fonction à l'ambassade du Rwanda à Berne. » -1- .../...

thèses nauséabondes attribuant la responsabilité du génocide des Tutsi au FPR qui, dès octobre 1990 « ne pouvait ignorer [...] que l’attaque mettrait en péril de façon aiguë les Tutsi de l’intérieur », accablant les victimes du génocide d’une partie de la responsabilité de leurs bourreaux. Il minimise ainsi dans son analyse le non-lieu prononcé en décembre 2018 en faveur du FPR par la justice française sur l’attentat qui coûta la vie au président Habyarimana, ignore les éléments apportés par les enquêtes balistique et acoustique prouvant le départ des missiles depuis le camp de Kanombe contrôlé par les extrémistes hutus, et parle envers et contre tout d’un « faisceau d’indications désignant le FPR comme auteur de l’attentat5 ». La boussole qui refuse de montre le nord Alors que nous avions accordé le bénéfice du doute lors de la première édition, et pensé que le petit livre à la boussole avait involontairement perdu le nord, cette deuxième édition nous confirme qu’il s’agissait d’un choix délibéré. En choisissant d’ignorer les critiques d’historiens et experts de renom, et en publiant de nouveau, inchangées, les théories d'un « chercheur-acteur6 » ayant plus d'une fois exprimé des propos se situant à la limite du négationnisme7, les responsables de la collection Que sais-je ? ne peuvent plus feindre l’ignorance ou plaider la négligence. C’est donc bien la boussole qui refuse de montrer le nord ! Alors qu’en France, le rapport Duclert a récemment mis un terme à vingt-sept années de déni sur la responsabilité de la France dans le génocide des Tutsi, les responsables de la collection Que sais-je ?, décident quant à eux d’en republier une lecture révisionniste. Messieurs Frédéric Mériot et Julien Brocard8, l’histoire du génocide des Tutsi, la mémoire du million de victimes et les rescapés ne méritaient pas un tel mépris. Les lecteurs de votre collection ne méritent-ils pas davantage de rigueur historique et académique ? Liste des signataires :

  1. Guillaume Ancel, ancien lieutenant-colonel, vétéran de l’opération Turquoise, témoin et auteur de « Rwanda, la fin du silence »

  2. Dr. Stéphane Audoin-Rouzeau, historien, Directeur d'études, EHESS, Paris

  3. Medhi Ba, journaliste à Jeune Afrique

  4. Prof. Annette Becker, historienne, Paris-Nanterre

  5. Benjamin Beeckmans, président Centre Communautaire Laïc Juif David Susskind (CCLJ)

  6. Hervé Berville, député de la République française

  7. Dr. Diogène Bideri, Dr. en droit, auteur, Conseiller Juridique Principal, Commission Nationale de Lutte contre le Génocide (CNLG)

  8. Juliette Bour, doctorante en Histoire à l'EHESS (CESPRA) et au CNRS

  9. Marguerite Carbonare, témoin privilégiée de l‘histoire rwandaise depuis 1989

  10. Cloé Carbonare, professeur agrégée d'arts plastiques

11. Dr. Ayse Sila Cehreli, maîtresse de conférences, Faculté de sciences politiques, Université de Marmara 12. Delphine Cerisuelo, enseignante, chercheuse en histoire contemporaine 13. Marie-France Collard, cinéaste, co-auteur du spectacle « Rwanda 94 » 14. Alain David, délégué de la Licra à la CNCDH (commission nationale consultative des Droits de l’Homme), ancien Directeur de Programmes au Collège international de philosophie 15. Thierry De Win, professeur retraité, membre du Collectif et de la Commission Pédagogique de Mémoire d’Auschwitz 16. Jacques Delcuvellerie, directeur artistique du collectif Groupov, co-auteur du spectacle « Rwanda 94 » 17. Jean-Loup Denblyden, ingénieur civil /Lieutenant -Colonel de réserve honoraire, opération Silverback avril 1994 Rwanda 18. Alain Destexhe, sénateur honoraire, ancien secrétaire général de Médecins Sans Frontières 5 Filip Reyntjens, Que sais-je ?, Le Génocide des Tutsi au Rwanda, deuxième édition, page 34 6 Filip Reyntjens (2009), Les Risques du Métier, Paris, Éditions l’Harmattan. 7 https://twitter.com/freyntje/status/977197186307055616 « #Rwanda I have long thought that @rpfinkotanyi committed crimes against humanity and war crimes in 1994, not #genocide. Book by @JudiRever shows irrefutably they did commit genocide. So, yes, double genocide happened. » 8 Frédéric Mériot est directeur général (CEO) du groupe Humensis, Julien Brocard est directeur éditorial de la collection Que sais-je ? -2- .../...


  1. Boubacar Boris Diop, écrivain sénégalais, auteur de “Murambi, le livre des ossements” éditions Zulma 2011

  2. Raphaël Doridant et François Graner, auteurs de "L'Etat français et le génocide des Tutsis au Rwanda"

  3. Jean-François Dupaquier, auteur, journaliste, témoin expert au TPIR

  4. Dr. Aleksander Edelman, directeur de recherche émérite CNRS

  5. Théo Englebert, journaliste

  6. Prof. Victoria C Fontan, Professor of Peace and Conflict Studies, American University of Afghanistan

  7. Dr. Alain Gabet, docteur en histoire moderne de l'université de Poitiers et professeur d'histoire-géographie

  8. Liberata Gahongayire, doctorante en histoire (ULB)

  9. Dr. Sebastien Gasana , Docteur en Sciences Sociales, Enseignant Universitaire, Kigali-RWANDA

  10. Dr. Jean-Damascène Gasanabo, directeur général, Centre de recherche et de documentation sur le génocide, CNLG

  11. Dr. Marie-Christine Gasingirwa, Scientist and Applied Sciences Analyst for the Higher Education Council, Rwanda

  12. Prof. Tharcisse Gatwa, Research Professor of Ethics & Director of Research (Protestant University of Rwanda, PIASS); former Director Général Editions CLE, Yaoundé; author and co-author of among others: Memory Work in Rwanda. 25 Years After the genocide against the Tutsi; Churches and Ethnic Ideology in Rwandan crises 1900-1994; Home Grown Solutions in Rwanda. A legacy to Generations in Africa.

  13. Alain Gauthier, président du CPCR (Collectif des Parties Civiles pour le Rwanda)

  14. Rachel & Daniel Géant, Founders Sleeping Giants France, Paris

  15. La Fondation pour l'étude des génocides, Montreal, Canada. https://gened.org

  16. Denise Gere, membre du Collectif belge pour la prévention des crimes de génocide et contre les négationnismes

  17. Jessica Gérondal Mwiza, vice-présidente Ibuka France

  18. Dr. Catherine Gilbert, Newcastle University. Author of "From Surviving to Living: Voice, Trauma and Witness in Rwandan Women's Writing" (2018)

  19. Me. Richard Gisagara, Avocat, France

  20. Aymeric Givord, membre du Conseil d'administration de l'association Ibuka France

  21. Ramadan Gjanaj, président National Albanian European Council (NAEC)

  22. Dr. Daniel Halpérin, pédiatre, Genève

  23. Prof. Nicki Hitchcott, professor of French and African Studies, University of St Andrews

  24. Dr. Georgina Holmes, Visiting Research Fellow, Conflict, Security & Development Research Group, Department of War Studies, School of Security Studies, King's College London

  25. Angélique Ingabire, Présidente de la Communauté Rwandaise de France (CRF)

  26. Giulio Iraci, enseignant, historien, Rome (Italie)

  27. Sébastien Jahan, maître de conférences en Histoire moderne, Université de Poitiers

  28. Richard Garon Johnson, U.S. Foreign Service Officer, retired

  29. Amdani Juma, director, African Institute for Social Development (AISD)

  30. Françoise Kankindi, présidente Bene Rwanda Onlus (www.benerwanda.org), Rome, Italie

  31. Aimable Karirima Ngarambe, journaliste

  32. Col. (Rtd) Gatete Karuranga, educationist and Peacebuilder

  33. Dr. Jean Kayitsinga, Assistant Professor, Julian Samora Research Institute, Michigan State University

  34. Alain Kazinierakis, enseignant, photographe

  35. Prof. Joël Kotek, maître de conférence à l'Université Libre de Bruxelles (ULB) et enseignant à Sciences Po Paris

  36. Samuel Kuhn , enseignant, historien

  37. Dr. Anouche Kunth, historienne, CNRS

  38. Charlotte Lacoste, enseignante-chercheuse à l'Université de Lorraine

  39. Félicité Lyamukuru, présidente de l'association Ibuka Belgique, auteur de "L’ouragan a frappé Nyundo", éditions du Cerisier, 2018

58. Olivier Maheo, post-doctorant, IHTP 59. Jean-Pierre Martin, journaliste, grand reporter 60. Prof. François Masabo, centre for Conflict Management, University of Rwanda 61. Linda Melvern, journaliste d'investigation 62. Dr. Allan T. Moore, Lecturer in Criminology and Criminal Justice, University of the West of Scotland. Member of the International Association of Genocide Scholars 63. Louisa Esther Mugabo, Journalist & PhD student 64. Yolande Mukagasana, présidente de la Fondation Yolande Mukagasana pour la recherche sur le génocide, écrivain et réscapée du génocide contre les Tutsi 65. Dafroza Mukarumongi-Gauthier, membre fondateur du CPCR (Collectif des Parties Civiles pour le Rwanda) 66. Prof. Charles Mulinda Kabwete, historian and Dean of the School of Governance, University of Rwanda 67. Eric Murangwa Eugène MBE, co-founder and CEO Ishami Foundation 68. Tatien Ndolimana Miheto, président de L'ASBL "Rescapés Tutsi habitant à Charleroi" 69. Adria Nibatete, rescapée du génocide des Tutsi au Rwanda 70. Mikaël Nichanian, historien, chercheur associé au Centre de recherche "Orient et Méditerranée" (CNRS) 71. Égide Nkuranga, président Ibuka-Rwanda 72. Etienne Nsanzimana, président Ibuka-France 73. Dr. Nicolas Patin, maître de conférences en histoire contemporaine à l'Université Bordeaux Montaigne 74. Dr. Manon Pignot, maîtresse de conférence en histoire contemporaine 75. Romain Poncet, membre du CA d'Ibuka France 76. Niccolò Rinaldi, ancien membre du Parlement européen, auteur de "Shoah, Rwanda, deux leçons parallèles" (éditions Giuntina, 2014) 77. Dr. François Robinet, historien, maître de conférences, UVSQ - Univ. Paris-Saclay 78. Prof. Anna C. Roosevelt, professor of Anthropology, University of Illinois at Chicago 79. Jean-Marie Vianney Rurangwa, doctorant en sociologie/Université d' Ottawa, écrivain et dramaturge, auteur de "Le génocide perpétré contre les Tutsi du Rwanda expliqué à ses enfants" ( Editions Casa Hankili Africa, Mexico,2020) 80. David Russel, UK Coordinator, Survivors Fund (SURF) 81. Prof. Jean-Philippe Schreiber, historien, professeur ordinaire à l'Université libre de Bruxelles 82. Prof. Josias Semujanga, Professeur titulaire, Département des littératures de langue française, Faculté des arts et des sciences, Université de Montréal, auteur de "Les récits fondateurs du drame rwandais. Discours social, idéologies et stéréotypes" et "Le génocide, sujet de fiction ?" 83. Dr. Stéphanie Courouble Share, historienne, expert en négationnisme de la Shoah,The Institute for the Study of Global Antisemitism and Policy (ISGAP), New York, USA. 84. Dr. Yves Ternon, historien 85. Yves Thebault, ancien président du Centre de Ressources et d’Interpellation pour un monde sans rapports de domination (CRIDEV) 86. Jean Thomas, cadre dirigeant, ancien officier d’état-major à Paris au moment de l’opération Turquoise 87. Xavier Truti, chargé de projet culturel - Citizen Culture, Ancien gérant des éditions Desmaret 88. Dr. Emeline Uwizeyimana, sociologue et spécialiste du Rwanda 89. Ina Van Looy, directrice du Centre d’Education à la Citoyenneté du Centre Communautaire Laïc Juif David Susskind (CCLJ) 90. Jos van Oijen, engineer, spatial analyst, researcher 91. Dr. Julia Viebach, senior Lecturer in Criminology |School for Social Policy Studies |University of Bristol |Research Associate Faculty of Law/African Studies Centre | University of Oxford 92. Dr. Andrew Wallis, author and journalist 93. Dr. Caroline Williamson Sinalo, University College Cork


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